Des chercheurs de l’institut néerlandais DIFFER et du Swiss Plasma Center de l’EPFL ont développé une méthode de contrôle inédite pour refroidir des particules très chaudes qui s’échappent inévitablement des réacteurs à fusion. Un jalon dans la recherche en fusion nucléaire, potentielle source d’énergie propre et sans risque.
Le principe de fusion nucléaire, qui alimente le soleil, présente un fort potentiel d’énergie pour l’humanité, sans risques et respectueux de l’environnement. La réaction se produit lorsque des noyaux d’atomes légers sont chauffés à une centaine de millions de degrés, formant un gaz de particules chargées, nommé le plasma.
Injecter du gaz pour refroidir les réacteurs à fusion
Dans les réacteurs à fusion, le plasma d’hydrogène extrêmement chaud est confiné par des champs magnétiques. Mais il y a toujours une fraction de particules qui s’en échappe. Pour éviter qu’elles n’endommagent la paroi du réacteur, elles doivent être refroidies. De plus, ce refroidissement peut alléger l’impact climatique des réacteurs à fusion.
L’une des méthodes de refroidissement consiste à injecter du gaz additionnel. « Mais si la quantité de gaz injecté est trop importante, c’est le plasma entier qui se refroidit, ce qui diminue les performances du processus de fusion », précise Christian Theiler, co-auteur d’une recherche qui vient d’être publiée dans Nature Communications et professeur au Swiss Plasma Center de l’EPFL.
Il faut donc ajuster, tout au long de l’opération, l’injection de gaz. « Le consortium européen de fusion (EUROfusion) stipule que la nécessité de contrôler le refroidissement avec précision constitue un jalon essentiel pour développer l’énergie de fusion. C’est fabuleux de pouvoir contribuer à cette étape maintenant”, s’enthousiasme Matthijs van Berkel, de l’institut DIFFER.
Réduire la pression du plasma
L’hydrogène qui s’échappe du plasma est transporté à travers le divergeur, « système d’évacuation » des réacteurs à fusion qui capte les particules récalcitrantes. Le processus de refroidissement intense qui se déroule dans le divergeur, à l’aide du gaz injecté, se nomme le détachement. Il permet de réduire la température et la pression du plasma proche des parois.
Les physiciens spécialisés en fusion possèdent une grande expérience du processus de détachement, mais jusqu’ici, elle reposait en partie sur l’intuition et sur les mesures antérieures. Désormais, l’approche sera différente. « Avec cette recherche, nous avons développé un système fermé », explique Matthijs van Berkel, responsable du groupe Energy Systems & Control au centre de recherches néerlandais DIFFER.
« Nous avons combiné différentes techniques, ce qui rend notre méthode unique. Notre approche de l’ingénierie des systèmes peut être appliquée à d’autres réacteurs de fusion ». Dans leur publication, les chercheurs ont prouvé que le principe de contrôle ainsi développé fonctionne.
Utiliser le système de caméras MANTIS
Pour leur recherche, les scientifiques ont utilisé le système de caméras MANTIS (Multispectral Advanced Narrowband Tokamak Imaging System). Développé par l’EPFL, DIFFER et le MIT, ce diagnostic d’imagerie est basé au Swiss Plasma Center de l’EPFL.
Au cours de l’expérience, les images captées par la caméra sont converties en données. A partir de celles-ci, un modèle informatique calcule en temps réel le refroidissement optimal, dans des conditions variables. Le tout avec une précision considérable : l’état du plasma est analysé 800 fois par seconde.
Un nouvel algorithme de traitement d’images en temps réel, développé à l’institut néerlandais DIFFER, analyse les images de MANTIS. L’algorithme calcule la quantité de gaz à refroidir dans les réacteurs à fusion et contrôle ensuite automatiquement les vannes de gaz.
Enfin, les chercheurs ont analysé, toujours à l’aide de la caméra, comment le plasma réagit au gaz injecté, puis ont développé un modèle. « Ce modèle nous permet de déterminer la relation dynamique entre le contrôle de la valve de gaz et le front de chaleur », explique M. Van Berkel.
Des méthodes qui fonctionnent
Les tests ont été effectués dans le réacteur expérimental du Swiss Plasma Center de l’EPFL, le tokamak TCV. « Un des points fort du tokamak lausannois est qu’il permet beaucoup de flexibilité. On peut effectuer des essais rapidement, avec une grande marge de progression », souligne le chercheur de l’EPFL Christian Theiler.
Un avis que partage Matthijs van Berkel “Avec son système de contrôle en temps réel ultra moderne, TCV se prête extrêmement bien aux tests des techniques de contrôle. En quatre expériences seulement, nous avons obtenu un contrôle du plasma par boucle de rétroaction, dans le divergeur. Ce qui démontre que notre approche systématique fonctionne ».
CRÉDIT: ARTICLE ADAPTÉ D’UNE PUBLICATION ORIGINALE SUR LE SITE DE L’EPFL, LES TEXTES, LES IMAGES ET LES VIDÉOS SONT SOUS LICENCE CC BY-SA 4.0